L'encens d'église a cette curieuse particularité de faire partie de notre inconscient. Combien de fois ai-je entendu, alors que je faisais brûler un peu d'oliban ou de myrrhe lors d'un festival, "oh ça sent l'église !!"
Croyant ou non, pratiquant ou pas, nous avons tous dans notre mémoire ces sillons d'odeurs résineuses associés à des cérémonies religieuses.
Alors je vous livre une des recettes de l'encens d'église.
Elle a la grande qualité d'être ancienne et d'émaner du corps ecclésiastique, ce qui garantit son authenticité.
Source : "Formulaire Romain du Diocèse de Lyon destiné au Primat des Gaules 1834"
Encens de Jérusalem pulvérisé 350 gr
Benjoin de Cyrénaïque pulvérisé 75 gr
Tolu pulvérisé 50 gr
Styrax pulvérisé 25 gr
Myrrhe de Chypre pulvérisée 25 gr
Clous de girofle pulvérisés 5 gr
Fleurs de lavande 3 gr
Bois de Santal pulvérisé 3 gr
Cardamome de Chine 3 gr
Charbon pulvérisé 375 gr
Mélanger ces poudres et faire brûler sur un charbon ardent.
Simple comme un souvenir parfumé
Fabriquer soi-même son papier parfumé à brûler est possible, et pas si compliqué que ça.
Il suffit de quelques ingrédients que l'on fera infuser et qui permettront alors d'imbiber les feuilles de papier.
Voilà la recette.
Mélanger dans un récipient :
Infusion d’oliban 400 cm3
Infusion de benjoin 200 cm3
Infusion de mastic (il s’agit bien sûr de la gomme, pas du joint pour les fenêtres !) 50 cm3
Infusion de myrrhe 150 cm3
Essence de petit grain 25 cm3
Coumarine 20 cm3
Infusion d’ambrette (musc végétal) 30 cm3
Tremper des feuilles de papier de riz dans une solution à deux pour cent de nitrate de potasse ou d’alun. Égoutter les feuilles. Les tremper encore humides dans la solution mélangée des ingrédients. Recommencer l’opération jusqu’à épuisement du liquide. Laisser sécher les papiers.
Il suffira ensuite d'allumer une feuille de papier et de la laisser brûler pour parfumer la pièce.
Source : « Formule de parfum pour papier à brûler - Techniques modernes et formules de parfumerie - Librairie Polytechnique Béranger Paris 1951 »
Les fragrances de l’encens : elles peuvent nous apporter un apaisement mental ou physique, nous accompagner dans la méditation, la créativité, évoquer des souvenirs, des couleurs, des goûts, ou bien effacer les traces de sensations négatives et purifier ainsi les lieux dans lesquels nous vivons.
A plusieurs reprises on m’a demandé pourquoi ? Et comment ?
Vaste sujet pour une néophyte des neurosciences !
Une des réponses est peut-être apportée par une discipline qui étudie l’influence des odeurs sur les comportements, et leur action sur le psychisme : l’aromachologie.
Originaire du Japon, étudiée et développée par le professeur Shizuo Torii vers la fin des années 80, l’aromachologie va, par exemple, aboutir à la diffusion de parfums d’ambiance dans les entreprises afin d’obtenir de manière douce des effets apaisants ou stimulants, selon les moments de la journée.
L’aromachologie est également utilisée en milieux hospitalier, dans des ateliers olfactifs à destination des personnes amnésiques, pour tenter d’éveiller des souvenirs.
Where is my mind ?
Si les odeurs sont si évocatrices, c’est que l'odorat est le seul de nos cinq sens qui fait passer la mémoire (inconsciente) avant l'analyse (consciente).
Lorsque nous respirons une odeur elle passe d’abord par une zone du cerveau qui est le siège de nos émotions : le système limbique. C’est également l’endroit où se forme la mémoire.
C’est ainsi qu’une odeur va pouvoir déclencher des réactions physiologiques ou émotionnelles : dégoût, plaisir, apaisement, excitation, sérénité, détente, ….
Parfums, fragrances, odeurs, exhalaisons, senteurs, effluves, bouquet, fumet, tant de mots pour désigner quelque chose d’impalpable, un invisible visiteur qui peut contribuer à une certaine harmonie entre corps et esprit.
Alors faites vous plaisir et laissez votre nez vous guider.
En douceur.
Le benjoin, également appelé Jaoui, est originaire essentiellement d’Indochine, du Laos, de Java et de Sumatra.
C’est une résine odorante obtenue par incision de l’écorce d’arbres de la famille des Styracacées : le Styrax benzoin Dryand pour le benjoin de Sumatra et de Java, et le Styrax benzoïdes Craib pour le benjoin du Siam.
Il a été introduit en Europe au XVème siècle par Vasco de Gamma.
Depuis il n’a cessé de prendre de l’importance et est utilisé notamment en parfumerie pour ses notes orientales et légèrement vanillées : on le trouve par exemple dans les parfums Shalimar de Guerlain, ou Opium d’Yves Saint Laurent.
Le benjoin est une des composantes du papier d’Arménie.
C'est l'encens idéal pour les rituels de purification.
En diffusion il permet d’assainir une pièce en la nettoyant de ses traces négatives. Il permet également d’accompagner l’évolution spirituelle et le développement personnel.
Je l’ai associé, dans l’Encens Serenan, au Santal blanc qui protège et à l’Oliban qui augmente le niveau vibratoire et aide à la méditation.
Le benjoin est douceur, sensualité, mémoire d'instants oubliés. Il porte dans ses larmes grises ou orangées des parfums de spiritualité, des réminiscences de vies anciennes et d'âmes éthérées.
Des univers au cœur de sa fumée....
Le Storax est noir.
Charbonneux de couleur et de texture, il couvre de poudre rêche les mains de qui le touche.
Il dégage une odeur suave, l’odeur des fleurs d’été, l’odeur des fleurs coupées, entêtante, agaçante et désirée.
Un visage de nuit parfumé de jour.
Fascinant.
Grand encens égyptien, associé à Anubis, c’est peut-être de ce lien au Chien du Pays Sacré qu’émane son paradoxe.
Le sombre Storax protège le sommeil et incite à l’amour de soi. Il est un gardien, une évanescence sucrée évocatrice de douceur et de repos.
Parce que l’ombre n’est pas l’obscurité.
Il y a encens et encens...
Pardon ?
Encens et encens ?
Mais tout ça c'est pareil !
Que nenni : sous le même nom se cachent des choses très différentes.
Quand on ouvre la boite de Pandore il est tout à fait possible de trouver le meilleur comme le pire.
Côté pire, tout le monde connaît l’encens industriel en bâtonnets ou en cônes.
Son prix tourne souvent autour de 50 centimes les 12 000 bâtonnets. Oui, là j’exagère un peu, disons plutôt en moyenne 1.50 euros les 20 bâtonnets. Ils sont la plupart du temps bien colorés et dégagent des odeurs assez marquées.
Ces encens-là ont fait l’objet de nombreux articles dénonçant leur nocivité, et depuis lors tous les encens en général traînent une réputation peu reluisante.
Mais quand on brûle un encens industriel, de quoi est-il question ?
La législation assimile les encens à des désodorisants, comme les petits sapins à accrocher au rétroviseur, comme les bougies industrielles parfumées ou comme les pchit-pchit pour les WC ou la maison.
Il n’est pas obligatoire d’indiquer la composition.
On se doute bien que pour 50 centimes les 12 000 bâtonnets (oui j’exagère je sais) il ne doit pas y avoir de matières premières bien onéreuses dans ces encens-là.
Et on a bien raison de s’en douter : ils sont composés d’un bâton central autour duquel on agglomère du charbon ou de la sciure (pour qu’il brûle). On va alors tremper ce bâtonnet dans un colorant industriel (pour qu’il ait une couleur vive) et dans un super parfum de synthèse (pour qu’il sente « super trop bon »).
Alors oui, forcément, quand on brûle un bâtonnet discount dans une petite chambrette non aérée, il y a toutes les chances du monde pour qu’on s’intoxique un tantinet en respirant des trucs chelous (en l’occurrence ici des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des carbonyles de benzène).
Heureusement, tous les bâtons d’encens (ou cônes) ne sont pas industriels : il y en a de magnifiques !
Pour les différencier c’est simple : le prix est plus élevé, parce que les matières premières sont de qualité, et la composition est indiquée, parce que quand on fabrique un beau produit on n’a pas honte d’afficher ce qu’il contient.
Côté meilleur il y a l’encens véritable.
C’est ainsi qu’on appelle l’encens utilisé depuis des millénaires (voir l’article « Histoire d’encens »). Les éléments qui le composent sont tous d’origine végétale : des résines d'arbre, des racines, des écorces, des concrétions, des huiles essentielles, des bois, des végétaux séchés, des aromates, des fleurs,….
Le plus illustre de ces ingrédients est l’oliban, puisque le mot encens désigne à l’origine l’oliban.
(C’est une gomme sécrétée par un arbuste du genre Boswellia. Il pousse notamment près de la mer Rouge, en Somalie ou en Éthiopie, et possède sous son écorce des canaux qui, sous l’effet de la chaleur, exsudent cette superbe gomme odorante.)
L’encens véritable est de forme variée : il peut être en grains ou en poudre (comme les Encens Armoisine qui appartiennent à cette catégorie, vous n’en doutiez pas), mais on peut aussi lui donner une forme en utilisant un amalgamant comme la gomme arabique.
Contrairement à l’encens industriel il ne contient pas de combustible. On ne peut donc pas l’allumer.
C'est un encens qui doit être chauffé pour révéler ses parfums ; on utilise alors un encensoir et une source de chaleur, sous la forme d’un charbon ardent sur lequel on déposera l’encens. Et c'est en chauffant que les trésors odorants qu'il recèle vont s'exprimer.
Je peux maintenant refermer la boite de Pandore, puisqu’il est évident qu’il y a bien encens et encens : l’un nous intoxique et nous affaiblit, l’autre nous élève et nous accompagne.
Dès le début de son histoire l'Homme s'est enveloppé de fumée d'encens, et il est toujours très émouvant de balayer les siècles à la recherche des parfums du temps.
Sur les bords de la Méditerranée, parmi des vestiges archéologiques datant du Néolithique, ont été découvertes les premières traces de l'usage d’encens par des hommes (E. Dodinet, 2007 « Les parfums dans la Méditerranée orientale à l’âge du Bronze »).
En territoire d’Oman a été trouvé un brûle-parfum datant de 3000 avant JC.
Le lieu de sa découverte ainsi que sa forme très simple, ont conduit à penser qu’il était utilisé pour un usage familial, pour parfumer sa maison, ses vêtements, ou pour créer une atmosphère agréable lors des réceptions.
Au Mexique, sur le site de Cuicuilco, environ 700 avant JC, les archéologues ont trouvé une statuette représentant un personnage portant un brûle-encens sur son dos (Encyclopedia Universalis – « Dictionnaire de la Préhistoire »).
Par la suite l’usage spirituel devint prédominant : l’encens était un message envoyé aux dieux, un vaisseau de senteurs qui transmutait le terrestre en céleste.
L’encens était fumée, parfums d'immortalité. Il s’élevait vers le ciel, demeure du ou des dieux, et transmettait les hommages, les demandes ou les prières des hommes.
Dans l’Egypte Antique les prêtres utilisaient, pour brûler l’encens rituel, un « bras à encens » rempli de charbons ardents. Ils offraient chaque jour au Dieu-soleil trois sortes d’encens, une à son lever, une au milieu du jour et une à son coucher. L'usage de l'encens était alors quotidien et extrêmement répandu.
Et puis il y a le Japon du 10ème siècle qui organisait des tournois d'odeur ou kô-dô, durant lesquels les invités devaient reconnaître les variétés d’encens qui leur étaient présentées, écrire leur réponse à l’aide de caractères spéciaux et composer un poème (M. Chastrette, professeur émérite à l’Université de Lyon).
Anecdotique, l’horloge à encens des chinois, au 18ème siècle : la combustion régulière d'un bâton d'encens horizontal brûlait un fil auquel était relié une bille. La chute de celle-ci dans un récipient de métal marquait l'écoulement du temps.
L’encens a été utilisé de tous temps par les hommes à travers tous les continents, comme parfum, comme marchandise précieuse ou pour un usage spirituel.
Il a été, et est toujours, la représentation de l’aspiration de l’âme à s’élever, le moyen d’accéder à des niveaux de conscience supérieurs.
L’encens agit sur les corps subtils, sur l’esprit, sur les sens. Il a du sens.
C’est depuis toujours un compagnon de méditation, un moyen de purifier, de protéger, de stimuler ou d’apaiser.
Il ouvre nos ailes et nous laisse flotter sur ses volutes parfumées.
Artemisia vulgaris, simple et discrète plante sauvage au feuillage argenté.
Derrière la sauvage simplicité de cette habitante des fossés se cache un univers à déguster.
Compagne des femmes depuis l'Antiquité, elle tient son nom de la déesse Artémis, divinité de la virginité, protectrice des accouchements et des maladies féminines.
Pline, dans son "Histoire Naturelle" l'évoque fréquemment, Dioscoride et Hippocrate également.
Selon ces illustres auteurs, elle serait digestive, calmerait les règles douloureuses, serait apéritive, antispasmodique, vermifuge, et la liste n'est pas exhaustive.
L'armoise, "mère de toutes les plantes" est également porteuse de nombreuses vertus magiques.
Il ne faut pas oublier que si Artémis est la déesse de la féminité, elle est aussi la déesse lunaire aux trois visages : Diane le croissant de lune, Séléné la pleine lune et Hécate la lune noire, incarnation de la magie.
L'armoise, en plus d'être la protectrice du foyer et des femmes, a aussi la capacité de préserver les voyageurs de la fatigue.
Ce pouvoir est notamment évoqué dans le Bald's Leechbook, livre de médecine en "Viel anglais" du Xème siècle : "De peur qu’un voyage à pied fatigue trop un homme, qu’il prenne de l’armoise dans sa main ou la porte dans sa chaussure, de peur qu’il ne soit exténué. Et quand il la cueillera avant le lever du soleil, qu’il dise ces mots « Tollam te Artemisia ne lassus sim in via» et fasse un signe de croix en la ramassant. Bald Læceboc – Op cite dans "English medicine in the Anglo-Saxon times ; two lectures delivered before the Royal college of physicians of London, June 23 and 25, 1903".
Mais il n'est pas forcément besoin de littérature ancienne pour apprécier l'armoise, ou ses cousines célèbres (absinthe, génépi, estragon...).
Son joli feuillage d'argent illumine avec discrétion les massifs du jardin ; lorsqu'on la fait sécher et qu'on en fait un grand bouquet, son parfum d'été inonde les nuits d'automne.
On peut même en faire un bain délassant pour les pieds fatigués...dont voici la recette :
100 grammes d'armoise, 1 litre d'eau froide.
Mettez les feuilles dans l'eau, portez à ébullition.
Faire frémir pendant 10 minutes.
Couvrez et laissez refroidir hors du feu.
100 grammes d'armoise, 1 litre d'eau froide.
Mettez les feuilles dans l'eau, portez à ébullition.
Faire frémir pendant 10 minutes.
Couvrez et laissez refroidir hors du feu.
Versez dans une bassine, et complétez avec de l'eau froide pour recouvrir les pieds.
Un dernier petit mot sur cette belle sauvageonne : il ne faut surtout pas la confondre avec l'ambroisie à feuilles d'armoise, une Astéracée comme elle, mais moins bienveillante puisque son pollen provoque de nombreuses allergies respiratoires.
Et Armoisine dans tout ça ??? Et bien pour le savoir, il faut faire un petit tour du côté de chez Rabelais....